« Des avancées vers une administration digitale plus agile »

Beaugas Orain Djoyum, Directeur général de ICT Media Strategies, cabinet d’e-réputation et de veille stratégique sur le numérique.

Quelle évaluation faites-vous de l’arrimage du Cameroun au train de l’économie numérique ces sept dernières années ?
L’arrimage du Cameroun à l’économie numérique a connu des avancées notables, mais reste contrasté. Le pays a posé des fondations importantes à travers la stratégie nationale de développement (SND30), la Stratégie nationale du développement de l’économie numérique, la mise en place d’infrastructures comme le Backbone national en fibre optique, la création de centres d’incubation publics et privés, ainsi que la digitalisation progressive de certains services publics (e-visa, e-procurement, etc.). Cependant, l’impact réel de ces initiatives reste limité par des défis structurels. On peut citer la lente exécution des projets, une faible coordination institutionnelle, une faible culture numérique au sein des administrations et un cadre réglementaire parfois inadapté à l’innovation rapide du secteur. 


Quelles sont les avancées les plus palpables dans le domaine ?
Parmi les avancées les plus significatives de ces dernières années au Cameroun, nous avons en premier lieu, la généralisation de la déclaration fiscale en ligne, à travers des plateformes mises en place par la Direction générale des Impôts. Les contribuables camerounais peuvent déclarer et payer leurs impôts via des portails en ligne. Ces outils ont réduit le recours aux guichets physiques, contribuant à la lutte contre la corruption et facilitant la conformité fiscale, notamment pour les PME. En deuxième lieu, la digitalisation des services de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), qui a permis la dématérialisation complète des déclarations sociales et du paiement des cotisations. Désormais, les entreprises peuvent s’acquitter de leurs obligations sociales en ligne via une plateforme unifiée, évitant les longues files d’attente dans les agences. Tout comme les assurés peuvent avoir plus facilement leur dus. Ces innovations ont amélioré la traçabilité, la transparence et l'efficacité du système de protection sociale. On peut également relever la dématérialisation de certaines procédures administratives comme l’e-visa avec le Minrex, l’e-procurement avec le Minmap, ou encore Ngomna et Tresor Pay avec le MINFI et le Cename. Ces avancées marquent des pas importants vers une administration digitale plus agile. Sur le plan infrastructurel, on peut relever le développement d’un réseau de fibre optique étendu. Pour le réseau d’accès à l’international, le Cameroun dispose de cinq câbles sous-marins et d’un linéaire de près de 20 000 Km de fibre optique, déployé dans les dix régions du pays et adossé sur le pipeline Tchad-Cameroun. Nous disposons aussi des bretelles vers les pays voisins. Par ailleurs, on constate la montée en puissance de datacenters publics et privés et des plateformes cloud locales qui commencent à offrir de meilleures garanties d’hébergement des services publics et privés.


Quels sont les leviers à activer pour une meilleure contribution de l’économie numérique dans la croissance du pays ?
Le Cameroun a tout d’abord besoin d’une meilleure coordination interinstitutionnelle dans la mise en œuvre des politiques numériques. La dispersion des initiatives freine l’impact global.
La création d’une agence spécialisée dans la digitalisation des services publics comme Irembo au Rwanda et la création Conseil national du numérique, doté d’un pouvoir d’arbitrage, s’impose pour garantir la cohérence des actions publiques, superviser les chantiers structurants (cloud souverain, e-gouvernement, cybersécurité, interopérabilité) et piloter les réformes. Il faut ensuite lancer un plan national d’alphabétisation numérique dès le primaire, tout en renforçant les filières techniques et professionnelles. Il est aussi urgent de développer des centres de formation avancée en cybersécurité, IA, développement logiciel, data science, pour alimenter le marché en talents et attirer des investissements dans la tech. Par ailleurs, le Cameroun doit adopter une législation complète adaptée à la dynamique numérique mondiale. A savoir : une Loi sur les startups avec un statut fiscal et administratif clair, des textes d’application et la mise en service des structures publiques prescrites dans la réglementation sur les données personnelles, le renforcement de la cybersécurité, et l’incitation fiscale pour les investissements privés dans les startups et infrastructures (datacenters, fibre, cloud, etc.). Il est également vital d’assurer l’interconnexion efficace entre les points d’échange Internet (IXP) du Cameroun, pour garder localement le trafic entre administrations, entrepr...

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