Scolarisation en zone de crise : les conquérants de l’école
- Par Alexandra TCHUILEU N.
- 20 juin 2025 13:03
- Likes
Le Logone-et-Chari est exposé à l’insécurité de Boko Haram. Coupés des salles de classe, les enfants en paient le prix fort. Des stratégies sont déployées pour raviver la flamme du savoir.
Pas moins de 44°C à l’ombre ce lundi 12 mai 2025 à Makary. La localité située à 96 km de Kousseri, chef-lieu du département du Logone-et-Chari, région de l’Extrême-Nord, semble plutôt calme ce jour. Hadja Kali, institutrice et monitrice au Centre du Programme d’éducation accélérée de Makary, bataille face au sommeil et à la fatigue de ses élèves à 12h. Mieux, elle doit en même temps calmer son bébé attaché à son dos, pour dispenser une leçon sur l’orthographe de « à », la préposition, et « a », la troisième personne du verbe avoir conjugué à l’indicatif présent. Face à Hadja Kali, 12 enfants présents ce lundi. C’est du moins ce qu’affiche le tableau des effectifs actualisé à la craie sur le tableau noir de la classe. Bien loin des 45 attendus. Ce n’est pas une classe comme les autres. Encore moins une école comme les autres.
Il y a face à Hadja Kali, des enfants d’âges différents, mais surtout de profils différents. Certains viennent de familles vivant à Makary. D’autres sont des réfugiés ou des déplacés internes. La classe qu’ils occupent s’appelle d’ailleurs « Cohorte 2 B ». Elle regroupe à la fois les niveaux 2 et 3 du système formel de l’école primaire. En français facile, les apprentissages dispensés correspondent à la fois à ceux des Cours élémentaires première et deuxième année. Ce système est implémenté depuis cinq ans dans cet établissement pour permettre aux enfants déplacés, réfugiés ou coupés de l’école du fait des conflits sécuritaires ou de crises humanitaires de tous ordres, de retrouver le chemin de l’école.
L’établissement que ces élèves fréquentent est tout aussi spécial. Il s’agit d’un centre érigé pour les enfants déscolarisés du fait de la crise humanitaire qui sévit dans la zone. « Ils ont eu des problèmes, puis les inondations. En plus, les combattants de Boko Haram les ont traumatisés, ainsi que leurs familles. Ils ont eu trop de chocs. Vraiment, ce n’est pas facile pour ces enfants », relève Hadja Kali. Cette enseignante travaille ici depuis l’ouverture de ce centre. Il a été ouvert spécialement pour répondre aux besoins des enfants dans cette situation. Personne d’entre eux ne paie un radis pour y suivre des cours. Titulaire d’un Certificat d’aptitude pédagogique des instituteurs des écoles maternelles et primaires (Capiemp), l’enseignante dispense des cours ici depuis l’ouverture du centre et voit le changement. « Ces enfants savaient déjà faire certaines choses avant d’arriver ici. On leur apprend encore à lire, à écrire et à compter », dit-elle.
C’est la mission principale de ces centres érigés dans quelques localités du département du Logone-et-Chari par l’organisation Plan International Cameroon. Makary a servi de centre pilote. Ce n’était pas un hasard. La localité située à proximité du Nigeria est encore considérée comme une « zone rouge ». Des assaillants de Boko Haram continuent d’y mener des assauts. A défaut de fuir, la population est devenue familière des coups de feu nocturnes. Mais les forces de l’ordre veillent également. A côté, l’éducation des enfants reste un challenge. En Cohorte 3, Gambo Magadji, 13 ans, se mêle bien à ses camarades. D’une timidité saisissante face aux caméras des journalistes, le bout d’homme se voit policier dans quelques années. Il parle à la fois l’anglais et le français. « Je viens du Nigeria et je vis ici avec ma grand-mère », dit-il. Et ses parents alors ? Regard baissé quand la question lui est posée. Ernestine Dero, sa camarade de classe, n’a pas peur de dire qu’ils sont décédés. « Je viens de Blamé. Je suis dans cette école depuis 2023. Je vivais avec ma grand-mère, mais ma tante m’a adoptée. Elle m’a inscrite dans cette école quand elle l’a découverte », dit celle qui rêve de devenir aide-soignante. Sa principale source d’inspiration et de motivation, ce sont les deux institutrices qui tiennent cette classe de 78 apprenants.
La force de la ...
Cet article complet est réservé aux abonnés
Déjà abonné ? Identifiez-vous >
Accédez en illimité à Cameroon Tribune Digital à partir de 26250 FCFA
Je M'abonne1 minute suffit pour vous abonner à Cameroon Tribune Digital !
- Votre numéro spécial cameroon-tribune en version numérique
- Des encarts
- Des appels d'offres exclusives
- D'avant-première (accès 24h avant la publication)
- Des éditions consultables sur tous supports (smartphone, tablettes, PC)
Commentaires